21-07-2025
Que 25% de gens aient des lacunes numériques est «alarmant»
Des élus de gauche et de droite veulent combattre ce phénomène. D'autant plus que l'intelligence artificielle augmente encore le risque de décrochage. Publié aujourd'hui à 16h00
Une exposition à Palexpo dans le cadre de la conférence des Nations Unies sur l'intelligence artificielle.
LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA
En bref:
Le pourcentage varie selon les études, mais n'en reste pas moins préoccupant. En Suisse, l'Office fédéral de la statistique (OFS) évalue à 24% le nombre d'habitants qui ont des connaissances «faibles ou inexistantes» en matière numérique (2023). Selon les chiffres du Baromètre numérique 2024, ce serait même de 31% .
Pour toutes ces personnes, le risque d'exclusion est réel. Raison pour laquelle une coalition interpartis demande au Conseil fédéral un rapport et une stratégie face à cette fracture numérique. Un postulat vient d'être déposé.
Jean Tschopp (PS/VD) est à la manœuvre.
Adrian Moser
À la manœuvre, Jean Tschopp (PS/VD). C'est lui qui a convaincu des élus de tous les partis de cosigner son texte. «Les personnes, entreprises, associations et administrations qui ne sont pas encore entièrement converties aux progrès informatiques sont souvent laissées de côté», explique-t-il. Cette numérisation prend aussi une nouvelle dimension dans les services délivrés par l'État. Le 28 septembre, nous voterons en effet sur la mise sur pied d'une identité électronique (e-ID) .
Le développement de l'intelligence artificielle menace ainsi de creuser davantage encore ce fossé, qui se recoupe à d'autres. Les retraités, les bas revenus et les personnes issues de la migration sont en effet plus concernés que le reste de la population.
«L'essor de l'IA annonce l'automatisation d'un nombre croissant de tâches en vue de simplifier et d'accélérer de nombreuses activités», développe le Vaudois. Autant de défis pour certaines personnes. «Je pense aux seniors, qui sont souvent affectés par la diminution des prestations au guichet pour les services publics. Ils sont aussi visés directement par la multiplication des arnaques en ligne.»
Les jeunes aussi peuvent être largués. «Si beaucoup peuvent donner le sentiment de connaissances intuitives dans le maniement des smartphones et des tablettes, des lacunes existent souvent quant aux bases informatiques et l'utilisation des outils de bureautique.»
Il note enfin que cette fracture numérique n'est pas uniquement liée à l'usage d'internet, mais aussi à son accès. Or, «pour certains types de handicaps, le recours aux outils numériques peut être précieux en vue d'une autonomisation du langage ou dans l'apprentissage, notamment pour les troubles dys, comme la dyslexie». Et de préciser que la Fédération suisse des psychologues appuie sa démarche. Première offensive sur la fracture numérique en 2019
Si une majorité parlementaire est possible, elle pourrait devoir lutter contre la résistance du Conseil fédéral. Ce n'est pas la première fois qu'il est interpellé sur ce thème, et il a jusqu'ici été plutôt frileux.
En 2019, Mathias Reynard (PS/VS) lui demandait déjà d'élaborer une étude décrivant l'ampleur du phénomène d'illettrisme numérique et de développer une stratégie pour combler les lacunes. L'ancien conseiller national mettait alors le focus sur les jeunes, «dont les moins alertes en termes de numérique risquent l'exclusion».
Un stand à Palexpo en marge de la Conférence des Nations Unis sur l'intelligence artificielle.
Irina Popa
Le texte n'a jamais été débattu en plénum – le délai de traitement ayant été dépassé – mais le Conseil fédéral s'est tout de même positionné à l'époque. Selon le Département fédéral de l'intérieur, les études récentes «ne livrent aucun indice d'un renforcement des inégalités sociales» chez les jeunes. Étant donné ces résultats et la compétence cantonale en matière d'éducation, le Conseil fédéral estime «qu'il n'est pas nécessaire de réaliser une étude sur l'illettrisme numérique ni de mettre au point une stratégie sur cette base».
Cette frilosité du gouvernement n'est pas rédhibitoire, rétorque Jean Tschopp. «En six ans, beaucoup de choses ont changé, si on pense notamment à la vitesse à laquelle l'IA générative s'est développée. Elle devient incontournable aussi bien dans la vie de tous les jours que dans le monde professionnel.» Le Vaudois ajoute aussi que son postulat vise plus large que celui de Mathias Reynard.
Il rappelle enfin que la stratégie numérique de la Confédération n'aborde pas cette question de la fracture numérique, «alors que les chiffres des habitants qui présentent des lacunes sont alarmants».
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Florent Quiquerez est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2015. Spécialisé en politique, il couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, il a travaillé comme correspondant parlementaire pour les Radios Régionales Romandes. Plus d'infos
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